Critique cinéma : Babylon, une fresque hollywoodienne inégale

 

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Babylon fait partie de ces films construits sur une mise en abyme constante, dont les multiples chemins mènent parfois au sublime, parfois au cul-de-sac. Hommage sincère et passionné d’un amoureux du cinéma, le réalisateur Damien Chazelle (Whiplash, La La Land) nous offre un long-métrage de 3h08, porté sur la transformation de l’industrie hollywoodienne lors du passage au parlant à la fin des années 20. Métamorphose technique mais également morale, puisque le début des années 30 coïncide avec l’avènement de l’auto-censure cinématographique, connue sous le nom du Code Hayes. Cette mutation double entraîne le bouleversement du destin des trois personnages principaux : l’acteur phare du muet Jack Conrad (Brad Pitt), la nouvelle comédienne prometteuse Nellie LaRoy (Margot Robbie) et Manny Torres (Diego Calva), un émigré mexicain souhaitant réaliser le rêve américain.

Dans cette œuvre pharaonique qui s’étend sur plusieurs années, Damien Chazelle brille dans sa gestion de la temporalité. Malgré sa durée de 3h, le film possède un rythme effréné où il demeure presque impossible de s’ennuyer, tant le réalisateur maîtrise l’enchaînement de ses scènes avec nuance. Ce jeu contre la montre se distingue lors de la séquence dédiée au tournage du film muet en costumes, découpée selon les moments de la journée, tandis que le reste du film se divise en années. Ces variations subtiles de la temporalité, où le réalisateur sait prendre son temps, sont magnifiées par les références récurrentes à notre époque actuelle, puisque le film est truffé de phrases dédiées au spectateur. C’est par exemple le cas lorsque Brad Pitt, d’humeur acrobatique en lendemain de cuite, parfaite évocation de Douglas Fairbanks, critique l’industrie cinématographique pour son incapacité à se renouveler en ne faisant que des films historiques. C’est encore le cas lorsque ce dernier se trouve aux toilettes et se questionne sur la nécessité du passage au parlant, réflexion rapidement suivie par une blague scatologique particulièrement sonore.

Si Damien Chazelle souhaite constamment alpaguer le spectateur dans ce jeu temporel, les références contemporaines se révèlent parfois trop fortes, comme dans le stylisme des personnages. Alors que le réalisateur s’en sort habilement avec l’emploi de la couleur, glissant régulièrement quelques passages sur pellicule en noir et blanc, certains costumes vivent mal le poids de la contemporanéité, en particulier Margot Robbie qui semble complètement anachronique au reste du film, tant son stylisme s’éloigne des années 20 (plus que les autres personnages) et évoque davantage une popstar aux cheveux en bataille des années 2000. Le même constat est palpable avec la fin du film, justement détaillée par Jacky Goldberg dans une critique pour Les Inrockuptibles. Damien Chazelle y atteint l’apogée de sa narration dans une séquence pleine d’émotions, au sein d’une mise en abyme ultime sur le spectateur au cinéma, puis la scène se gâte, et se transforme en un hommage un tantinet cliché, tel un diaporama des meilleurs instants d’Hollywood, comme le souligne Goldberg : « un clip promotionnel pour “Le Cinéma”, comme le ferait un mauvais étudiant en conclusion d’une présentation PowerPoint. »

Babylon demeure une fresque hollywoodienne inégale, mais qui reste à voir pour son pouvoir de divertissement, notamment pour tous les amateurs des acteurs au destin brisé à la Sunset Boulevard.


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